Il fait froid, il fait gris, il fait triste.
Tout est monocolore.
La nature est en sépia.
Ici ce ne sont que champs inondés qui n’en peuvent plus de
toute cette eau à boire et qui la laisse s’étaler en nappes métalliques.
La nature est délavée et toute chagrine, le ciel est si bas qu'on dirait qu'il se penche lui aussi sur la tristesse ambiante...
Pas de bétail dans les pâturages, il est comme nous, serré
bien au chaud à l’intérieur.
Les arbres semblent plantés
comme des piquets, leurs branches hérissées de brindilles frissonnantes implorant
ce ciel impitoyable.
Même les pins se sont nimbés de voiles.
La nature est comme exsangue, éreintée.
Comme nous.
Elle attend.
Comme nous.
Mélancolique.
Comme nous.
C’est long.
Les jours rallongent malgré tout, mais ils nous offrent si
peu de lumière qu’on a l’impression de vivre des journées où le soleil n’en
finit pas de se coucher, pour ne jamais parvenir à se relever.
En fait ce n’est pas une impression.
Le gris nous entoure et nous obsède.
Tout est embrumé.
Nos neurones aussi !
J’ai voulu en avoir le cœur net. Le temps se serait-il
arrêté tout à coup, lui qui pourtant file si vite d’habitude ? Aurait-il
trébuché sur le premier jour de l’année sans parvenir à se relever ?? La
fin du monde qu’on nous annonçait l’année dernière se prépare peut-être maintenant
?!!
Une inquiétude m’a saisie. Il fallait que je mène mon
enquête.
Je me suis chaudement habillée sous le regard dubitatif de
mes deux chats, pelotonnés près de la cheminée.
Je suis sortie dans mon jardin et j’ai levé le nez vers le
ciel.
Rien de changé. Un ciel plombé qui fait courber l’échine.
Rien à espérer de ce côté-là…
Même pas de vent pour balayer ces nuées.
J’ai abaissé mon regard sur mon jardin en piteux état,
transformé en gadoue. Qu’il est triste sans ses camaïeux de vert et ses fleurs
multicolores… l’olivier, le romarin, le pied de lavande et le palmier tentent bien
de maintenir un minimum de verdure mais ce n’est pas jojo !
Ah ! Mais je n’avais pas remarqué toutes ces jonquilles et
narcisses qui sont sortis de terre subrepticement.
Et ce silence…
Tiens ?
...
...
Chut !
Ecoutez !
Mais oui ! Je l’entends nettement maintenant le merle
qui siffle ! Ah il a le moral lui !
La grive l’a rejoint. Et le rouge-gorge. Et le troglodyte
aussi !
Tout compte fait, la nature ne s’en laisse pas compter.
Elle sait bien où elle en est elle et s'active déjà à
fêter le printemps comme il se doit.
Ciel gris ou pas, taratata, c’est maintenant qu’elle se
prépare pour les beaux jours !
Je me suis sentie rassurée tout à coup !
Le soleil va revenir, c’est imminent. D’ailleurs n’est-il
pas venu accrocher un de ses rayons à votre fenêtre ce week-end ?
Dans un peu plus d’un mois nous serons au printemps.
On ne la regarde pas assez cette dame Nature.
Elle a pourtant tant de choses à nous dire !
J’ai rempli mes poumons d’air, j’ai levé les yeux vers ce
ciel gris et j’ai souri.
Il ne me fait plus peur.
La fin du monde ? Que nenni ?
Une nouvelle saison qui approche !
Toute proche !
Et si pleine de joies à venir !
Un de mes chats est apparu dans l’entrebâillement de la
porte d’entrée. Il m’a regardé, à levé sa petite truffe rose au ciel pour humer
l’air.
Après s’être frotté à mes jambes en passant à côté de moi,
il a remonté doucement l’allée de son
petit pas nonchalant, s’est retourné et m’a gratifié d’un petit
« miaou » avant d’aller faire sa balade.