Aujourd'hui, je vais vous donner la suite des éléments à prendre en compte dans la fabrication de votre pain au levain. C'est assez compliqué alors je vais essayer d'être le plus clair possible.
Il faut vous concentrer pour comprendre le processus et ensuite essayer de faire vous-même le calcul.
Dans votre pain, il y a de la farine, de l'eau et du sel. Mais les quantités diffèrent d’une variété de pain à l’autre.
Il y a d'abord le levain, qui est fabriqué avec de la farine et de l'eau, mais en quelles proportions ?
C'est là que tout se complique. Car pour faire un bon pain, ça dépend énormément du choix des farines. Et nous, avec nos farines intégrales, il faut bien s'accrocher.
Le pain perd environ 20% de son poids à la cuisson. Donc, pour avoir un pain d'environ 1 kg, il faut préparer 1,2 kg de pâte.
Dans cette pâte, il faut compter entre 10 et 15 % de levain qui a été rafraîchi 2 fois au préalable.
Et là, c'est aussi la sensibilité du boulanger qui fait la différence, car on peut mettre 12 ou 13 ou 14 ou 15, ça peut tout changer. Le boulanger connaît son levain par cœur et selon la farine qu'il utilise, la réactivité de son levain au dernier rafraîchi et son acidité, il choisira le taux de levain (TL) à ajouter à sa pâte. Car plus on met de levain, plus le pain risque d'être acide.
Mais prévoyons par exemple 15 % (mais c'est déjà beaucoup) pour un pâton de 1200 g, ça fait 180 g de levain (lors de l'atelier, nous avons mis 13%). Il faudra décider au dernier moment combien on en met, mais il vaut mieux en préparer assez.
Vous déduisez donc des 1,2 kg de pâte les 180 g du levain et il reste 1020 g pour la farine et l'eau (on ne compte pas le sel dans ce calcul)
Il y a ensuite le taux d'humidité de la pâte (TH) à définir et là aussi, c'est le boulanger qui doit décider selon sa farine, entre 70 et 80 % environ en général. Les farines complètes boivent beaucoup plus que les farines blanches. Pour le pain de seigle que j'ai préparé, j'ai mis un TH de 80%, et là encore, nous nous sommes rendus compte en fin de pousse que j'aurais pu augmenter à 82% le TH.
Comptons donc une moyenne de 75% pour une bonne farine intégrale d'épeautre, qu'on pourra éventuellement encore rectifier au moment du pétrissage.
Et la farine compte pour le 100%
Donc on fait : 1020 g divisé par 175 (100 pour la farine et 75 pour l'eau) x 100 = 582 g de farine
et 1020 moins 582 = 438 g d'eau à la bonne température, calculée selon la méthode que je vous ai expliqué dans mon post précédent.
Pour le sel, c'est 13 g par kilo de pâte calculé sur le total de la pâte (1200 g) soit 15,6 g de sel.
Ça, c'est pour le pétrissage de la pâte.
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Il faut maintenant calculer combien de levain vous devez rafraîchir, en deux fois, pour avoir assez de levain. Il faut 180 g de levain rafraîchi deux fois.
Le calcul est le même. mais il faut travailler à l'envers, en commençant par le deuxième rafraîchi.
pour obtenir 180 g de levain, il vous faut :
15% (de 180 g) de levain-chef du premier rafraîchi = 27 g
il reste pour l'eau et la farine : 180 moins 27 g = 153 g divisé par 175 (eau et farine) x 100 =
87 g de farine et 66 g d'eau à bonne température. On laisse fermenter entre 6 et 8 heures.
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Et pour le premier rafraîchi, vous prenez votre levain-chef que vous avez sorti du frigo 2-3 heures plus tôt et vous en extrayez le 15 % de 27 g de levain = environ 4 g de levain chef
il reste pour l'eau et la farine : 27 g moins 4 g = 23 g divisé par 175 (eau et farine) x 100 = 13 g de farine et le reste pour l'eau 10 g d'eau à bonne température. On laisse fermenter entre 4 et 6 heures.
C’est la façon dont on fait le calcul, c’est pour ça que je vous le donne. Les boulangers font comme ça, mais pour des quantités beaucoup plus importantes. Évidemment, on ne peut pas commencer à rafraîchir 4 g de levain, ça ne fait même pas une cuillère à café. Donc moi, je vous propose de simplement rafraîchir votre levain-chef que vous avez sorti du frigo 2-3 heures avant avec un peu de farine et d’eau à la bonne température, de faire la première fermentation. On en prélève ensuite 27 g pour faire le 2ème rafraîchi et on met le reste au frigo pour la prochaine fois. On ajoute à ces 27 g de levain 87 g de farine et 66 g d’eau et on obtient ainsi les 180 g de levain pour pétrir notre pain . On laisse fermenter ce levain entre 6 et 8 heures avant de commencer le pétrissage du pain.
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Là, vous avez maintenant tous les éléments de base pour bien réussir votre pain.
Vous commencez donc par rafraîchir votre levain-chef vers 18-19 h environ avec un peu de farine et d'eau à bonne température et vous le laissez fermenter jusqu'à 22-23 heures environ.
Vous prélevez ensuite 27 g de ce levain que vous rafraîchissez avec 87 g de farine et 66 g d'eau à bonne température et vous laissez lever jusqu'au lendemain matin. Le reste du levain va au frigo comme levain chef.
Le matin, vous prenez vos 180 g de levain pour votre pâte (ou moins si vous décidez de mettre moins de 15 %). Vous mettez 582 g de farine de votre choix dans un saladier ou dans votre robot, votre levain et la presque totalité des 438 g d'eau (à bonne température) dans laquelle vous aurez ajouté le sel (15,6 g). Il faut toujours garder environ un demi-décilitre en réserve pour régler le TH lors du pétrissage. Vous pétrissez votre pâte et si nécessaire, ajoutez l'eau restante. Et là, il faut faire usage de votre sensibilité et de votre toucher de la pâte pour le dosage de l'eau. Il faut bien observer l’élasticité de la pâte en se disant que la farine va encore absorber un peu d’humidité durant son repos. Si vraiment nécessaire, vous en ajoutez encore un peu (toujours à bonne température). Vous contrôlez la température de votre pâte. Votre pétrissage terminé, vous faites encore 4 replis de la pâte sur une surface farinée , puis 3 à 4 fois encore 4 replis sur la demi-heure qui suit. Ensuite, vous mettez votre pâte au repos dans un récipient recouvert d'un linge humide à une bonne température pour le pointage de 4-5 heures ou plus selon l'évolution de la pâte.
Et vous continuez la fabrication de votre pain comme je vous l'ai déjà décrit lors du dernier post.
Encore un petit truc de boulanger : si vous remarquez que vous avez trop mis d’eau, il ne faudrait pas ajouter de farine en fin de pétrissage. Vous pouvez alors essayer de dynamiser un peu votre pâte en faisant 3 ou 4 fois durant le pointage des replis de la pâte. Ça peut parfois aider à stimuler la pâte. Par contre, il faudra vraiment faire la deuxième levée dans une corbeille pour éviter que le pain s’affaisse trop durant l’apprêt.
Voilà donc toute la complexité de la fabrication du pain au levain. J'ai essayé d'être claire, même si je sais qu'expliquer par écrit, c'est beaucoup plus difficile que lors d'un cours oral et pratique. Le mieux c'est de faire une fois le calcul par rapport à votre pain et de garder ensuite ce calcul pour la fois suivante, en rectifiant si nécessaire selon le résultat obtenu lors de la cuisson. Et d'adapter un peu selon la saison et la chaleur. On ne peut pas travailler avec de si petites quantités aussi bien qu'avec des quantités de 10 ou 20 kilos de pâte. C'est beaucoup plus difficile de travailler avec des petites quantités.
Bon, vous l’aurez compris, j’ai vraiment attrapé le virus et si je le pouvais, je changerais de métier et me lancerais dans la fabrication de pain au levain au niveau professionnel. Mais malheureusement, on ne peut pas toujours faire ce qu’on veut. Parce qu’il me faudrait d’abord faire construire un grand four à pain, et ça, c’est malheureusement au-dessus de mes moyens...
Je vous souhaite de très bons essais et une belle réussite de pains au levain.