Certaines odeurs font partie intégrantes de la période hivernale.
Elle me ramène à mon enfance et à ce moment sacré entre tous où maman préparait un pot au feu.
Cela se passait toujours un samedi.
Ce jour n’était pas choisi par hasard, car c’était celui où
nous étions tous réunis à la maison.
Maman sortait une grosse marmite et y déposait toutes sortes
de viandes de bœuf : gîte, plat de côte, paleron, queue, os à moelle… un
choix qui mêlait astucieusement les viandes maigres avec les viandes plus
gélatineuses.
Elle recouvrait largement d’eau froide car elle privilégiait le goût du bouillon et allumait le feu sous la marmite.
C’est là que mon frère et moi prenions place dans la cuisine, car c’était à nous que revenait la tâche délicate d’écumer la surface de l’eau, pour en extraire la mousse qui se formait.
Nous faisions cela avec beaucoup de sérieux, tout à fait conscients
que la réussite du plat était entre nos mains !
Il y avait bien parfois en douce, quelques duels entre nos deux écumoires dans la marmite, mais maman veillait à calmer nos ardeurs !
Il y avait bien parfois en douce, quelques duels entre nos deux écumoires dans la marmite, mais maman veillait à calmer nos ardeurs !
Lorsque toute trace d’écume avait disparu, notre mère procédait à l’assaisonnement, le mijotage commençait alors doucement et un peu plus tard, elle ajoutait toutes sortes de légumes patiemment épluchés.
A l’époque, on ne connaissait pas encore le slogan « 5
fruits et légumes » je peux cependant affirmer que ce plat était en avance
sur son temps : carottes, navets, céleri, topinambours, chou, poireaux…
j’en oublie sûrement !
Et à partir de là, petit à petit, notre pot au feu, en
développant son arôme, s’installait dans notre maison.
L’intensité de son parfum montait crescendo et l’on voyait alors
mon père pointer le bout de son nez, cet organe infaillible qui tel un
somnambule, le conduisait jusqu’à la cuisine.
Allez savoir pourquoi, il y avait toujours une cuillère à
soupe, posée sur une petite soucoupe, juste à côté de la cuisinière où mijotait
doucement le poteuf’.
Mon père s’en saisissait, soulevait le couvercle de la marmite, plongeait la
cuillère, soufflait sur le liquide brûlant et l’avalait doucement en fermant
les yeux.
Il venait très tôt procéder à la dégustation, sous prétexte
de vérifier l’assaisonnement et je pense que les premières cuillérées ne
devaient pas être très fameuses !
Mais peu importe, il goûtait à chaque fois de la même
manière gourmande.
Papa tenait son rôle de goûteur à la perfection et n’oubliait
jamais de venir toutes les demi-heures, afin de s’assurer de la bonne évolution
de la cuisson !
Lorsque le bouillon commençait vraiment à avoir de la saveur, il nous donnait à nous aussi une cuillère à déguster.
Maman rouspétait qu’on allait lui gâter son poteuf’ à ouvrir
le couvercle sans cesse.
Mais en fait, elle était heureuse de ces moments que nous
partagions ainsi.
Sinon pourquoi cette cuillère se serait-elle trouvée
là ?!!
Ce va et vient incessant se poursuivait jusqu’au moment de
passer à table.
On y passait donc tout l’après-midi !
J’ai encore dans mes narines ce parfum du poteuf' cuit à
point.
Nos papilles étaient toutes excitées et nos estomacs
gargouillaient leur hâte de se remplir de cette nourriture délectable.
Ce moment arrivait enfin.
Maman apportait un premier plat contenant toutes les viandes, puis trois autres plats suivaient avec toute la ribambelle de légumes soigneusement dressés.
Comme à chaque fois, papa réclamait un peu de bouillon et comme à chaque fois, maman refusait en lui disant qu’il en aurait le lendemain, lorsqu’elle l’aurait dégraissé… le bouillon bien sûr !!
Quel magnifique dîner c’était à chaque fois !
Les viandes étaient moelleuses à souhait, parfumées de cette
abondance de légumes qui les avaient accompagnées ! Le couteau ne nous
était que de peu d’utilité tant les chairs étaient fondantes. Les légumes cuits
à point étaient gorgés du bouillon odorant.
Ce plat nous rassemblait autour de la table et nous ne
faisions qu’un.
Nous étions juste heureux ensemble.
Il ne nous manquait rien.
Il ne nous manquait rien.
Nous n’avions besoin de rien d’autre.
Nos sujets de conversation étaient légers et gais.
Tout en dégustant chaque bouchée, nous souriions déjà à la
promesse du plaisir que notre poteuf’ nous apporterait durant les jours
suivants.
D’abord le bouillon, mémoire de chaque ingrédient qui y a mijoté, puis tous les restes qui seraient utilisés pour la confection de boulettes, mironton, salade, hachis…. Nous n’avions pas fini de l’aimer notre poteuf’ !
C’est à mon tour maintenant de faire le pot au feu.
De la même manière que le faisait ma mère.
Exactement de la même manière.
Et comme autrefois, sa bonne odeur s’installe dans ma maison
et avec elle, mes souvenirs de ce temps béni où nous étions réunis.
Une cuillère est posée près de la marmite, sur sa soucoupe.
Note
Vous aurez compris que ce pot au feu tel que je le décris
avec tous ces légumes est phase 2.
Rien ne vous empêche cependant de le déguster en laissant de
côté les légumes dont l’IG est trop élevé pour être consommé en PL.