dimanche 5 septembre 2021

LES MONTAGNES RUSSES

 Et si pour une fois, on discutait un peu de nos parcours?

 



Je vais vous parler de cette fille 😊

 
Une histoire banale, tristement commune, peut être même la vôtre…
 
A l’adolescence, elle était maladroite, un peu mal dans sa peau (c’est le passage obligé il parait ?) Pas jolie, timide, ni particulièrement drôle, ni spécialement scolaire, encore moins brillante. Un fantôme parmi d’autres qui errent dans l’enceinte du collège. Combien d’anciens élèves, aujourd’hui, se souviendraient avoir un jour croisé sa route ? 
 
Quotidiennement moquée par ses camarades « tu es moche », « tu as la tête plate », « tu es grosse », « c’est trop moche les tâches de rousseur »… ce qui était méchanceté gratuite devient vérité absolue : si on lui dit, c’est forcément vrai ! Elle se met à marcher en baissant la tête.
 
Alors, comme toutes les adolescentes, elle se construit entre les railleries et les méchancetés. Elle n’est pas solitaire, ses amies autant non-populaires subissent les mêmes affronts.
 
Elle est amoureuse d’un garçon qu’elle regardera de loin pendant 7 ans (parce que regardez la…qu espère-t-elle ?) alors elle croira que c’est ça l’amour, réservé à ceux qui en valent la peine.
 
Elle commence alors très jeune les substituts de repas en shaker et les repas salades…sa mère et sa sœur partagent ses névroses alimentaires rêvant chacune de perdre ce ventre.
 
Comme si ce ventre était LE frein au bonheur, comme si, l abandonner c était gagner le droit à tout ce qui nous était jusqu’alors inaccessible…
 
Est-ce ça, le fardeau qu’on se transmet entre générations de femmes « tu seras mince, ma fille » ?
 
Cette fille n’avait pas de réel problème de poids. Pas encore. Elle était sportive…pas d’inquiétude.
De frustrations alimentaires (à grands coups de Gerlinea), en spleen naissant , débutent alors les compulsions alimentaires : elle ne pense qu’à manger. Elle aime le dimanche (jour d’ennui profond , à passer la journée entière devant des téléfilms M6) car arrivera à la publicité l’heure du « gâteau dominical » (un truc chocolat/kiwi trouvé à lidl, qui n’a de « gâteau » que le nom, qu’elle déteste mais qu’elle engloutit quand même entier. A chaque fois.)
 
Puis elle commence les études supérieures, elle choisit un BTS esthétique, voulant aider les femmes à se sentir mieux dans leur peau, et en espérant , au fond, se sauver elle-même. Ambiance superficielle. Camarades hautaines. Solitude décuplée.
 
Sentiment de ne pas être à sa place, là non plus. Les cours de massage sont un supplice, elle ne supporte pas qu’on touche son corps. Elle sent bien qu’elle est difforme. Les TOC apparaissent alors : mutilation sur les jambes, peau arrachée à coup de coupe-ongles ou d’aiguilles, cicatrices indélébiles… les filles de l’école la regardent bizarrement , les professeurs d’esthétique la sermonnent … en vain, elle n’arrêtera jamais de se blesser la peau.
 
Elle commence les régimes officiels : la soupe au choux en premier… c’est facile, c’est pas cher, c’est des ingrédients du placard et c’est sain… elle est malade, a la nausée de sentir le céleri, en vomira plusieurs fois mais boira des dizaines de bols par jour. Elle boira car elle le sait « elle sera heureuse quand elle sera mince ».
 
Le poids descend. Le poids remonte. 
 
Rencontre du garçon qui changera son corps en mère. Il l aime et la trouve belle. Elle le croit un peu.
Elle veut lui plaire d’avantage, elle prend des sachets hyperprotéinés pour briller dans ses yeux, elle maigrit (trop d’après l’entourage) mais ne voit pas qu’elle maigrit. Le reflet du miroir renvoit toujours cette fille boudinée. Elle se lasse de cette nourriture en poudre qui l’écoeure, elle se dit qu’elle va juste stabiliser car maintenant le plus dur est fait, mais le poids remonte.
 
Envie d’une famille nombreuse. Premier bébé : bouleversement intense, explosion d’amour😍 Allaitement, cododo, maternage proximal. Elle s’émerveille de voir sa fille grandir. Plus rien d’autre ne compte. Elle devient juste une maman. Deuxième bébé : la famille de maximonstre est créée …tout le monde collés, cododo, co- allaitement, un tourbillon de douceur et d amour infini 😍😍😍
 
Le papa ne trouve plus sa place. La maman n’est plus qu’une maman, elle est comblée… elle a enfin trouvé sa place. Elle passe ses journée en jogging troué ou taché taille 48, ça n’a pas d importance, elle est maman, elle est heureuse. Le mari veut retrouver sa femme… ce n’est donc plus sa femme ?
🤔
Elle est fatiguée, elle en a marre, elle est dépossédée de son corps : tout le monde le réclame (de jour comme de nuit). Son mari a maintenant honte d’elle, elle est devenue un bidochon. Il ne veut plus la présenter à ses stagiaires. Son père, lui, refuse qu’elle vienne lui dire bonjour quand elle passe vers son boulot. Elle n’est plus acceptable aux yeux de ceux qui avaient promis l’amour inconditionnel.
 
Elle s’inscrit à Weight Watchers. Elle va aux réunions, tient son carnet de bord, elle est assidue. Le poids descend. Mais le poids remonte avec les compulsions qui reviennent (étaient elles parties ?). 
 
Alors elle mange tout ce qui passe : le gratin froid à même le plat avec les doigts, le frigo entre ouvert (au cas où quelqu’un surgisse dans la cuisine ), les boites de raviolis froids dans la cave, les biscuits des enfants, des tartines de mayonnaise… Elle a honte d’elle, et elle va décevoir tout le monde elle le sait et ce poids pèse trop lourd sur ses épaules.
 
Chez une amie elle tombe sur un livre de chrononutrition, ça l intrigue. Elle essaie, elle n’a rien à perdre (l estime de soi est déjà perdue depuis longtemps avec cette accumulation d’échecs). Elle maigrit très vite, commence le sport. Elle s’affine, les mamans de l’école la questionnent et la complimentent sur ce changement soudain. Elle commence à être fière d’elle. Son mari ne la trouve toujours pas à la hauteur et n’assume pas d être en public avec elle.
 
Un papa d’école la trouve belle, enfin quelqu’un qui ne voit pas une enveloppe de graisse. Ca la séduit et elle quitte donc son mari.
 
La chrononutrition fait son œuvre, elle entre dans du 38 mais le poisson ne passe plus (nausées rien qu’à la vue d’un plat marin)… Elle arrête et se dit naïvement qu’elle va réussir à gérer la stabilisation.
A nouveau célibataire, elle passe beaucoup de temps avec ses amis et l’alcool devient le nouveau réconfort. Il apporte la gaieté au lieu de la culpabilité (de la nourriture). L alcool s’invite trop souvent, la gaieté éphémère laissant place à la tristesse.
 
Le poids biensur remonte, elle ne fait plus attention à son hygiène de vie. Elle alterne des jeûnes d une semaine avec des orgies.
 
Par hasard elle découvre un jour Montignac. Elle essaie, elle n’a à nouveau rien à perdre, et elle le sait très bien que « elle sera heureuse quand elle sera mince ».
 
Elle est enfin en paix avec son assiette ! Le poids descend très vite. Elle se remet au sport. 21 kg d’envolés. Elle se regarde dans le miroir, mais rien ne change . Elle en a marre, les vieux démons la rattrapent sorties et alcool. Le poids remonte. Fini le sport. Fini les assiettes santé. 17 kg revenus encore plus vite.
 
Elle est désespérée, ne croit plus en elle. Elle est perdue, reprend la chrono, alterne chrono/Montignac…elle ne sait plus quoi faire. Elle veut juste que les kilo partent, vite, peu importe la méthode.
 
Le poids redescend. Rencontre de ce garçon. Celui qui brisera le peu de confiance en elle qu’il lui restait. Plus aucune dignité. Il l’aime mais il a honte d’elle (quand le schéma se répète)…mais il dit qu’elle est gentille et quand elle aura maigri alors ils seront bien et qu’il n y aura plus de raison de la cacher.
 
Elle commence Dukan. Le temps presse, elle a tellement de chance qu’il l aime, elle doit tout faire pour lui plaire d’avantage. La dinde s’ajoute au céleri et au poisson sur la liste des aliments à vomir. Elle maigrit. Il dit que ce n’est pas assez et pas assez vite , elle arrête de manger mais c’est trop tard, il la quitte. Elle est dévastée , ne sachant pas que c’était le meilleur cadeau qu’il pouvait lui faire.
 
Les démons dansent à nouveau : elle mange tout ce qui passe.Le poids remonte. La nourriture la dégoute, la rend malade. Elle se souvient qu’elle se sentait bien avec Montignac. Elle veut prendre soin d’elle alors elle recommence et le poids descend. 
 
Rencontre de ce nouveau garçon qui ne lui fera jamais le moindre compliment en 2 ans et demi et qui ne la présentera à personne . Elle est fatiguée de courir après ce besoin de reconnaissance , elle comprend qu’elle cherche l’amour de quelqu’un alors quelle même ne s aime pas… elle le quitte alors.
Succession de rencontres, de bras, de désillusions, de lâches disparitions, de fausses promesses et d’ humiliations.
 
Sa mère tombe gravement malade, c’est injuste elle est en colère et elle n’a plus de forces, aucune épaule pour pleurer. Sa mère s envole et elle, elle sombre. Nourriture, alcool, n importe quoi, tant que ça remplit. Le poids monte encore plus. Puis il redescend quand elle décide d’avoir une vie stable car elle aussi, est maman.
 
Rencontre de ce dernier garçon. Celui qui ne sait pas faire de compliments non plus, celui qui n’a pas d attentions pour elle. Celui qui ne parle pas, elle se sent de plus en plus moche , de plus en plus idiote , de plus en plus transparente. Qu’est ce qui cloche à ce point chez elle ? des journées entières défilent sans ouvrir la bouche pour d’autres choses que des banalités logistiques. Les sourires sont réservés aux semaines impaires, semaines des enfants à la maison. Le poids remonte. Dans peu de temps elle atteindra les 100kg, c’est imminent.
 
Elle a peur : du couperet de la balance mais aussi d’elle-même…jusqu’où ira- t elle pour se faire du mal comme ça ? quel exemple donne-t-elle à ses filles ?
 
Alors encore une fois , avec Montignac le poids redescend, résultats époustouflants mais une fois l’objectif presque atteint, autosabotage et les mauvais travers surgissent… le poids monte en flèche , la remontée encore plus fulgurante que la descente.
 
Elle ne veut plus penser au poids, son corps fait de plus en plus de résistance à l amincissement, il ne veut plus coopérer. . Elle veut aller bien. Elle a compris que non, elle ne sera pas heureuse quand elle sera mince. Elle sera heureuse quand elle s’aimera et quand elle arrêtera de se brader . 
 
Aujourd’hui cette fille a décidé quelle deviendrait ce quelle veut devenir. Et non ce que les autres attendent d’elle.
 
Cette histoire c’est la mienne. Et elle fait peut être écho chez vous aussi.
 
Arrêtons de nous faire du mal, de malmener notre corps.
 
En 20 ans j’ai pris et perdu des centaines de kilos…et au milieu de ces montagnes russes émotionnelles et pondérales je n’ai jamais trouvé la sérénité. Peut être car je n’avais pas défini le bon objectif : prendre soin de moi (au sens large) et faire les choses pour moi .
 
 Je me lance dans un  défi de 75 jours sans pesée, qui j'espère va me permettre de grandir, de me recentrer sur moi et non sur mon apparence , en faisant mes petits pas jour après jour… 
J ai envie de remarquer les autres améliorations que l on peut constater : meilleur sommeil, meilleure digestion, plus d énergie, meilleur transit etc... Bref tout ce qui nous rend en meilleure santé mais qu'on ne regarde même pas car tout ce qui compte c est le poids qui descend ... là je pourrai y être attentive, car ça compte tellement aussi.
 
J ai juste envie de faire du bien à mon corps. Je pars, pour une fois, en n'ayant aucunes attentes, pour m apprendre à gérer mes troubles , essayer de rester avec une hygiène de vie stable tout ce temps.
 
Forcément je vais maigrir MAIS le résultat sur la balance sera la cerise sur le gâteau, et non plus la carotte
 
Pas évident pour moi de coucher ce bilan pathétique sur papier mais un peu de recul peut faire du bien…et peut être ça vous aidera aussi dans votre propre cheminement. 
 
C’est spécial d'écrire des articles/dossiers et  d’avouer être si peu linéaire, peut être aurez vous plus de mal à m’accorder votre confiance, mais promis ce n’est pas parce que je ne sais pas combattre mes compulsions que je n’ai pas les bons conseils théoriques
😅
La vie n’est définitivement pas un long fleuve tranquille, mais soyons bienveillantes avec nous même, parce que, merde, on le vaut bien !😘   
 
 
 


10 commentaires:

  1. Triste, profond, mais plein d'espoir.... La vie est faite de hauts et de bas... Le principal est de garder la tête hors de l'eau sur le long terme... A chacune son Histoire...Se sentir bien tout un art....Merci

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  2. On avait déjà un peu partagé sur nos parcours "rebond"...mais là je me prends une claque...merci jennifer pour ce cadeau...
    Tu es aussi douée pour nous faire rire que pour nous faire pleurer...
    Chapeau bas Madame

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  3. Bravo Jennifer le paraître n est que destructeur malheureusement dans notre société .Les personnes de valeur passent au-dessus .Tu es une belle personne 💐💋

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  4. Mille mercis Jennifer, de te dévoiler ainsi….. quel parcours . 😢 tu nous l’as si bien raconté, bien écrit, avec humour et avec tristesse….. j’espère que maintenant tu as trouvé la paix et que ton chemin est plus serein.
    Bravo de te confier ainsi au grand jour à nous toutes. 😘🥰

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  5. Merci Jennifer pour votre temoignage. Un parcours de vie difficile mais vous allez de l'avant et vous allez y arriver. Vos écrits sont tout simplement incroyables de légèreté, d'auto dérision et tellement intéressants. Même en ayant perdu mes kilos, je me vois toujours ronde dans le miroir alors que ma fille, hier, me disait que j'avais deux petites jambes fluettes! Je ne supporte pas mon ventre (Ma fille me dit :"mais Maman, tu as eu deux enfants et c'est normal !)... C'est l'image reflétée dans le miroir qui ne correspond pas à mon désir (un ideal qui n'existe d'ailleurs pas). Merci pour votre confiance dans la publication de votre article. Bonne journée. Lysiane

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  6. Quel courage.
    Bravo.
    La vie ne m'a pas épargné non plus.
    Et je viens également de me rendre compte à 57 ans(il n'est jamais trop tard pour bien faire...)
    que si je ne me sens pas bien dans mon corps ,si je ne prends pas soin de moi rien n'ira...
    Merci Jennifer pour ce témoignage et pour tout ce que tu fais pour nous aider .

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  7. J’ai lu et je suis bouleversée. Merci pour ce témoignage poignant et vrai. Merci

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